dimanche 4 décembre 2022

POUR ALLER AUX MERVEILLES...ou monter à l'Enfer.



Il y aura, au début du jour, 
quand la nuit s'estompe et que la lune adoucit les ombres, 
le bruit de tes pas. 
Le bruit des souliers  qui glissent 
sur les pierres du sentier du Pas du Diable.
Il faudra passer rapidement, 
pour qu'Il ne te précipite pas plus bas. 
Dans le chaos sombre du torrent 
qui dévale la montagne. 
Dans ce vallon froid
étroit et vertigineux. 

Puis tu traverseras un village,
hanté par les fantômes des mineurs.
Tu les entendras hurler du fond des galeries, 
par eux creusées, 
il y a fort longtemps, dans toute la montagne. 
A ton passage, dans les ruelles désertes,
le souffle de leurs âmes fera claquer les volets en bois  
sur les murs de pierres
 des maisons abandonnées. 

Plus tard viendra le chant du vent dans les mélèzes . 
Ils te guideront dans la forêt, 
jusqu'au passage du Val d'Enfer. 
A partir de ces premières marches en pierre 
commencera,  vraiment, la montée vers les Merveilles. 
Tu longeras longtemps le torrent, 
sur les rochers de la rive droite, 
mais avant que tu n'arrives en haut,
le Diable t'ôtera le souffle
 et mettra le feu dans tes poumons . 
Alors tu ne verras plus le ciel et tu garderas la tête basse. 
Tes yeux resteront collés à tes souliers. 

Pourtant le plaisir pourrait venir ...
de la souffrance,
à chaque pas.
Un pas après un autre pas. 
Lentement tu te hisseras vers la délivrance 
et enfin tu arriveras à l'Enfer, 
sous un ciel chargé de nuages noirs, 
qui tourbillonneront dans le vent. 

Aujourd'hui, la montagne ne veut pas t'accueillir.  
Le ciel gronde sourdement
Et les éclairs mettent le feu au ciel. 
Bientôt les nuages se déchirent
et jettent  toute les pierres de glace  sur le sentier. 
Vite , vite tu le dévales,
à grandes enjambées 
et tu rebrousses  chemin, 
sans te retourner.
Malheureux, tu as le Diable aux trousses !

La montagne est un amour.
Pour la gravir il y a milles tourments.
En descendant, milles soulagements.

SIESTE...sortilèges à l'ombre du mélèze

Là-haut, à Fontanalba, 
au pied du mont Bégo,
le randonneur, épuisé par sa longue marche,
s'est allongé sur l'herbe,
à l'ombre du Grand Mélèze.
Il somnole au bord du Lac Vert de Fontanalba.
Les bras repliés dessous la tête.
Son chapeau  tombe légèrement 
sur ses paupières mi-closes.
Sur l'herbe allongé,
il a jeté son sac à dos sur le côté.
Apaisé, il sourit à son dos.

Les fines aiguilles des  branches de l'arbre protecteur 
filtrent la lumière rasante du soleil, 
qui éclaire et  irise la surface du lac 
et danse au dessus de l'eau claire.
 
Lentement, bercé par le vent,
dans le bruissement du vent dans les branches,
le grand Mélèze se penche délicatement sur lui.
Doucement, sans le réveiller,
il l'enlace dans ses branches.
Il l'emporte 
et le porte 
jusqu'à la cime de ses plus hautes branches. 

Alors le dormeur disparait. 

Il devient l'Aigle qui survole le Lac Vert. 
Flottant dans les courants d'air chaud 
il se  hisse le long des parois rocheuses. 
Il écarte ses larges ailes et se laisse simplement porter par le vent, 
Sans d'autres bruits 
que le froissement du  vent dans ses plumes,
Sans aucun mouvement,
que celui des plumes de sa queue. 
Il fait de larges cercles dans le ciel.
Il est au dessus de la Montagne. 
Il est en haut
là haut, 
tout en haut, 
au dessus des cimes du Bégo.

L'homme est devenu l'Aigle .
qui voit en bas, 
tout en bas, 
un tout petit randonneur
qui dort,
allongé au bord du Lac Vert, 
à l'ombre du Grand Mélèze. 

Comme une marmotte, 
une toute petite marmotte,
adossée à un sac à dos.
Au bord de l'eau.